Pourquoi tant de retraités créent-ils une association ? Un phénomène loin d’être marginal

La retraite marque le début d’un nouveau chapitre, souvent synonyme de liberté retrouvée mais aussi de questionnements sur la façon de s’investir et d’utiliser son temps. Un phénomène saisissant, parfois méconnu, se dessine ainsi : un nombre croissant de retraités prennent l’initiative de monter leur propre association. Selon une étude menée par Recherches & Solidarités en 2023, près de 38 % des présidents d’associations en France ont plus de 60 ans. Ce chiffre illustre la place essentielle occupée par les seniors dans le tissu associatif, que ce soit pour lutter contre l’isolement, partager une passion, agir pour l’environnement ou transmettre leur savoir-faire.

Mais a-t-on vraiment le droit de créer une association quand on est à la retraite ? Faut-il craindre des démarches complexes ou des obstacles spécifiques ? Quelle forme choisir, quels financements espérer ? Voici un tour d’horizon pragmatique, nourri de retours concrets du terrain, pour celles et ceux qui rêvent de franchir le pas.

Créer une association à la retraite : c’est possible, simple et ouvert à tous

La loi de 1901, une liberté accessible à chacun

La création d’une association est régie par la fameuse loi du 1er juillet 1901. Son mérite : elle permet à toute personne, quel que soit son âge, de fonder une association dans un cadre légal très souple. Aucun diplôme, aucune expérience particulière, aucune limite d’âge : tout résident majeur en France peut lancer une association, seul l’objet ne doit pas être illicite.

Le statut de retraité n’entraîne donc aucune restriction ni formalité supplémentaire. Au contraire, l’expertise, le réseau et la disponibilité des seniors sont largement reconnus comme des atouts majeurs, tant pour structurer les projets que pour inspirer confiance aux partenaires.

Quelles types d’associations privilégier à la retraite ?

  • Association « Loi 1901 » classique : la plus répandue. Elle permet de regrouper autour d’une cause, d’une activité ou d’un hobby, avec une grande liberté (culture, solidarités, sport, santé, etc.).
  • Association déclarée d’utilité publique : statuts plus encadrés, réservée aux projets de grande ampleur, souvent soutenus par l’État.
  • Association familiale, club troisième âge, amicale : des structures courantes parmi les retraités, pour partager des activités, organiser des voyages ou rompre l’isolement.

Selon l’INSEE, il existe plus de 1,5 million d’associations actives en France, dont plus de la moitié fonctionnent uniquement grâce à des bénévoles – un espace immense de libertés et de possibilités (Source : INSEE).

Les grandes étapes pour créer son association : mode d’emploi

1. Définir le projet et l’objet de l’association

Une association n’est pas une entreprise, mais doit tout de même être structurée : quels seront ses buts, ses publics, ses activités ? Prendre le temps de poser noir sur blanc l’objet social évite bien des malentendus et des découragements par la suite.

  • Conseil : commencez modeste ! Beaucoup d’associations évoluent ou élargissent leur objet avec le temps.
  • Anecdote : Le réseau des « Repair Cafés », initié par quelques retraités passionnés de bricolage en 2013, rassemble aujourd’hui des centaines d’ateliers citoyens partout en France.

2. Rédiger les statuts, cœur du fonctionnement

Les statuts sont le « squelette » juridique. Ils précisent notamment :

  • Le nom de l’association
  • Son siège social (adresse postale, qui peut être celle du domicile du président, ou même une mairie dans certains cas)
  • L’objet (à décrire avec soin)
  • Le fonctionnement des instances (assemblée générale, bureau, conseil d’administration…)
  • Les modalités d’adhésion et de radiation
  • Le mode de désignation des dirigeants

Des modèles gratuits sont disponibles en ligne sur le site Service-public.fr.

3. Organiser l’assemblée générale constitutive

Même si l’association peut être créée à deux personnes, il est conseillé d’être un peu plus nombreux, pour encourager la dynamique collective. Il s’agit lors de cette réunion :

  • D’adopter les statuts
  • De désigner le bureau (président, trésorier, secrétaire…)
  • De rédiger un procès-verbal (PV)

4. Effectuer la déclaration officielle

C’est l’étape qui donne « vie légale » à l’association. Elle s’effectue en ligne sur le portail associations du gouvernement ou en préfecture. Il faudra alors fournir :

  • Les statuts signés
  • Le PV de l’assemblée constitutive
  • Une liste des dirigeants
  • Le formulaire CERFA dédié

Le dossier est validé en quelques jours à quelques semaines, après quoi un récépissé de déclaration est délivré. L’association est alors officiellement créée, avec la capacité d’ouvrir un compte bancaire, de percevoir des subventions ou d’employer éventuellement un salarié.

5. Optionnel : publication au Journal Officiel

La publication de la création de l’association au Journal Officiel (JOAFE) est obligatoire et assurée par les services de la préfecture, sans frais supplémentaires.

Droit du retraité, cumul association et retraite : ce qu’il faut savoir

Le statut de bénévole après 60 ans : aucune limite

Être bénévole ou responsable d’une association, même si vous consacrez beaucoup de temps à l’activité, ne remet pas en cause le versement de votre pension de retraite. Il n’y a aucune limite légale en durée ni en nombre de mandats – à condition de ne pas toucher de rémunération liée à cette activité.

Peut-on être salarié ou président rémunéré de sa propre association ?

  • Bénévolat : la situation la plus courante. Aucun impact fiscal ou social.
  • Rémunération au sein de l’association : attention, il est strictement encadré de se salarier soi-même, surtout en tant que président : la loi prévoit que moins de la moitié des membres du conseil d’administration puissent être rémunérés (décret du 6 février 2007).
  • Si vous êtes retraité du régime général de la Sécurité sociale, percevoir un salaire au titre d’une association peut entraîner des démarches administratives spécifiques (déclaration auprès de la Caisse d’Assurance Retraite, éventuelle réduction de la pension en cas de cumul).

Pour tout projet de salarier un dirigeant retraité, il est fortement recommandé de consulter un expert ou un centre d’information pour éviter les erreurs (voir portail-association.org).

Quelles ressources pour se lancer sereinement ? Aides, réseaux et coups de pouce financiers

Des aides publiques (parfois méconnues)

De nombreuses collectivités (mairies, intercommunalités, conseils départementaux) proposent des subventions de démarrage pour les jeunes associations – souvent quelques centaines à quelques milliers d’euros. Les appels à projets sont régulièrement publiés sur les sites locaux.

Banques, fondations, mutuelles : des partenaires prêts à soutenir les seniors engagés

  • Les caisses de retraite complémentaire (Agirc-Arrco, Caisse des Dépôts) ont des dispositifs de financements pour les initiatives sociales et solidaires portées par des retraités.
  • Le réseau « France Bénévolat » accompagne, conseille et met en relation des seniors désirant créer leur structure.
  • Des fondations privées, comme la « Fondation de France » ou « Les Petits Frères des Pauvres », lancent chaque année des appels à projets pour créer ou renforcer des actions collectives contre l’isolement des personnes âgées.

Selon l’étude du France Bénévolat, près de 20 % des nouveaux projets soutenus en 2022 étaient portés par des bénévoles retraités.

Se former gratuitement… ou presque

Beaucoup de retraités se sentent intimidés par les aspects juridiques, fiscaux ou numériques. Or, des plateformes telles que associations.gouv.fr ou le MOOC « Créer et gérer son association » de l’université de Caen offrent des modules en ligne gratuits, animés par des experts. Des ateliers sont aussi organisés régulièrement dans les Maisons des Associations.

Idées et exemples inspirants : quand les retraités réinventent la solidarité

  • Les jardins familiaux « Part’âge » : créés en 2015 par un groupe de retraités dans la région lyonnaise, ce collectif a permis la création de douze parcelles de potager en partage, ouvertes à tous les âges, favorisant échanges de savoir et production locale. Soutenu dès le départ par la mairie, il illustre le dynamisme local des seniors engagés.
  • La « Pause Musicale » : association artistique fondée à Bordeaux par trois retraités désireux de promouvoir l’accès à la musique dans les EHPAD. Leurs ateliers ont permis à plus de 500 résidents de participer à des concerts et à des ateliers de découverte instrumentale.
  • Collectif numérique pour l’accès aux droits : un exemple breton où d’anciens cadres, après 65 ans, ont conçu des cycles de formation à Internet, gratuits pour les personnes âgées du quartier. Un précieux relais alors que 27 % des plus de 70 ans déclarent ne pas se sentir à l’aise avec les démarches en ligne (source : Baromètre du numérique, ARCEP 2023).

Petits pièges à éviter et astuces pour démarrer sur de bonnes bases

  • Ne pas trop s’isoler : même si le projet vous tient à cœur, il est recommandé de former une équipe, ne serait-ce que pour partager l’énergie, mais aussi les responsabilités administratives.
  • Gardez une gestion claire : ouvrir un compte en banque, tenir un registre des adhérents, rédiger des PV réguliers… Ce sont autant de gages de sérieux et de pérennité.
  • N’hésitez pas à demander conseil : de nombreux bénévoles expérimentés (notamment via France Bénévolat, le CRIB – Centre de Ressources et d’Information des Bénévoles) sont prêts à accompagner les nouveaux venus.
  • Pensez à la communication : pour attirer adhérents ou partenaires, quelques outils simples (affiches en mairie, petite page Facebook, bouche à oreille) suffisent souvent au démarrage.

S’engager, transmettre, innover : et si c’était le moment ?

Au-delà des considérations administratives, créer une association à la retraite est avant tout une aventure humaine, un moyen de rester actif, de rendre service, de nourrir son réseau et d’apprendre toujours. Qu’il s’agisse de créer un atelier d’écriture, d’organiser des lectures intergénérationnelles, de lancer une initiative locale de lutte contre la solitude, ce sont les projets modestes, sincères, ancrés dans les besoins du quotidien, qui font la différence.

La dynamique associative apparaît ainsi comme une source étonnante de vitalité et d’innovation pour la société toute entière. Beaucoup de petites initiatives, discrètes mais tenaces, charrient des trésors d’énergie et de solidarité – une belle façon, finalement, de faire de la retraite une véritable seconde vie citoyenne.

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