La solitude des personnes âgées n’est pas un phénomène nouveau, mais elle n’a jamais été aussi prégnante. En France, un senior sur trois se sent isolé, selon l’association Les Petits Frères des Pauvres (rapport 2023). Le vieillissement de la population, le départ des enfants, les deuils, une mobilité réduite… autant de facteurs qui rendent nombre de seniors vulnérables à la solitude.
La pandémie de Covid-19 a agi comme un révélateur : selon la Fondation de France, 41% des plus de 75 ans ont ressenti une aggravation de leur isolement en 2020. Pourtant, dans le même temps, des tablettes faisaient leur apparition dans les maisons de retraite, des familles tentaient de rester connectées via des appels vidéo. Mais passé ce contexte de crise, le numérique peut-il vraiment devenir un outil efficace et durable pour lutter contre l’exclusion sociale des plus âgés ?
Les seniors ne forment donc pas une catégorie homogène. S’il existe des « silver surfers » aguerris, d’autres restent à distance. Pourtant, le numérique, en particulier depuis la généralisation du haut débit et le développement d’interfaces plus intuitives, peut ouvrir de réelles perspectives. À condition d’accompagner son appropriation.
Si le potentiel du numérique n’est plus à démontrer, son appropriation par les seniors reste un défi de taille. Les freins ne sont pas toujours là où on les attend :
Des collectivités ou associations innovent pour montrer une autre voie :
Certaines grandes entreprises telles que La Poste investissent aussi ce champ via des offres comme « Ardoiz », une tablette intuitive conçue spécialement pour les seniors, accompagnée d’un service d’assistance.
Si le numérique relie, il ne doit pas démultiplier l’exclusion de celles et ceux qui restent à l’écart. Plusieurs études (Fondation Médéric Alzheimer, 2022) alertent sur le risque d’un « fossé numérique », où les plus fragiles se retrouveraient davantage isolés. Si 85% des Français disposent d’internet à domicile, ce taux chute à moins de 55% chez les ménages modestes de plus de 75 ans (Insee).
Lutter contre la fracture numérique, c’est donc maintenir un accompagnement humain : proximité d’un conseiller, moindre complexité des interfaces, formation « sur-mesure », et lutte contre l’isolement non seulement technologique mais aussi relationnel.
Les expériences les plus réussies sont souvent celles où le numérique ne se substitue pas au contact humain mais le complète. Des binômes intergénérationnels – petits-enfants ou bénévoles – pour montrer comment envoyer une photo, des espaces d’entraide dans les quartiers... L’outil digital agit alors comme un prétexte à la rencontre.
Le numérique n’est ni une baguette magique, ni un gadget réservé à la jeunesse. S’il est désormais un pilier incontournable de la vie sociale et citoyenne, il requiert une attention fine pour que chacun puisse en tirer bénéfice : accessibilité, accompagnement humain, et adaptation à la diversité des parcours de vie. Ce sont autant de conditions pour que l’écran ne devienne pas un mur supplémentaire, mais une fenêtre ouverte vers le monde.
Loin du tout technologique, la clé réside dans notre capacité collective à réinventer le lien, à valoriser l’apprentissage à tout âge, et à rappeler, inlassablement, que derrière chaque écran, il y a une histoire, une voix à écouter, un regard à croiser. Et qu’aucune technologie ne remplace le plaisir d’être ensemble, ne serait-ce qu’à travers un sourire, même pixelisé.
Sources : Les Petits Frères des Pauvres, Fondation de France, Baromètre du Numérique (Arcep), Insee, Credoc, DREES, Association Familles Rurales, Fondation Médéric Alzheimer, Rapport Caisse des dépôts, Cybermalveillance.gouv, sites et plateformes citées.