Des retraités au cœur du tissu social français

Lorsqu’on parle de retraités et de seniors en France, un cliché tenace voudrait que la vie ralentisse, que l’on se retire de la société pour se consacrer à soi… Pourtant, la réalité s’observe chaque jour sur le terrain : associations, comités de quartier, jurys, conseils municipaux — la présence des seniors est une évidence, souvent un moteur essentiel pour la vie citoyenne.

Selon la dernière étude menée par France Bénévolat en 2023, plus de 36 % des bénévoles réguliers en France ont plus de 60 ans (France Bénévolat). Une proportion qui n’a cessé de croître depuis 20 ans, portée notamment par le vieillissement de la population mais aussi par la volonté affirmée d’être utile, de transmettre, d’apprendre et de rester acteur·rice du collectif.

Le bénévolat des seniors : Un engagement motivé par le sens et la transmission

Pourquoi observe-t-on une si grande implication des retraités dans la vie associative ? Les raisons sont multiples, rarement anecdotiques :

  • Le temps trouvé, enfin : la retraite libère du temps, ce qui rend possible des engagements auparavant freinés par la vie professionnelle.
  • Un besoin de lien social : pour lutter contre l’isolement, nombre de seniors choisissent de s’investir dans des associations locales, dans des clubs ou dans la vie de leur quartier.
  • L’envie de transmettre : leur expérience, leurs compétences, leurs souvenirs deviennent une ressource précieuse (par exemple, dans l’accompagnement scolaire, l’alphabétisation ou la médiation).
  • Un engagement pour des causes porteuses de sens : environnement, solidarité, culture, défense des droits… L’âge n’endort pas les convictions.

Différentes enquêtes (notamment l’INJEP, 2021) montrent que près de la moitié des plus de 65 ans s’engagent au moins une fois par an dans une action bénévole, que ce soit dans la durée ou lors d’événements ponctuels (collectes, festivals, actions de quartier…).

S’impliquer après la retraite : comment franchir le pas ?

La tentation de rejoindre une association surgit souvent après avoir quitté le monde du travail. Mais par où commencer ? Plusieurs pistes pour franchir le pas en douceur :

  • Réseaux nationaux : la plateforme JeVeuxAider.gouv.fr permet à chacun de trouver une mission près de chez soi, selon ses envies et compétences.
  • Maisons des associations : Presque toutes les villes disposent de ces relais précieux, qui mettent en relation structures et bénévoles potentiels.
  • Bouche à oreille local : clubs de retraités, groupes de quartier, voisins, réseaux amicaux sont de formidables canaux pour se lancer.
  • Salons et forums : chaque rentrée ou semaine du bénévolat fournit opportunités et informations pratiques.

Les associations savent que chaque nouveau·elle bénévole arrive avec un parcours riche, mais parfois une appréhension : peur de ne pas être "utile", de ne pas "être à la hauteur". Les structures sont aujourd’hui beaucoup plus attentives à l’accueil, à l’accompagnement et à la formation des seniors.

Quelles missions sont les plus adaptées aux bénévoles seniors ?

Le profil des seniors bénévoles est d’une grande diversité. Beaucoup s’orientent vers certains types de missions, pour lesquelles leur expérience ou leur disponibilité s’avère précieuse :

  • Accompagnement (soutien scolaire, visites en EHPAD, tutorat…)
  • Actions de médiation et de conseil (conseils citoyens, commissions de concertation urbaine, comités d’usagers…)
  • Gouvernance associative (bureau, trésorerie, coordination de projets)
  • Logistique et organisation d’événements (spectacles, marchés solidaires, brocantes…)
  • Transmissions de savoirs (ateliers patrimoine, cours d’informatique, jardinage, ateliers d’écriture)
  • Soutien aux plus fragiles (distribution alimentaire, ateliers de lutte contre l’isolement…)

On constate une véritable évolution des missions confiées aux bénévoles seniors : les tâches sont de moins en moins cantonnées à l’administratif ou à « l’entretien », mais touchent des domaines clés, où la qualité relationnelle et la connaissance des territoires sont des atouts majeurs.

Les conseils de quartier : une tribune pour l’expérience des plus âgés

À l’échelle locale, nombreuses sont les municipalités à intégrer des conseils de quartier, conseils citoyens, ou conseils de développement. Mais la participation des seniors est-elle réellement au rendez-vous ?

D’après l’Observatoire national de la politique de la ville, près d’un tiers des membres des conseils de quartier ont plus de 60 ans. Cette surreprésentation relative tient au fait que la prise de parole publique réclame parfois un recul, une expérience ou simplement… du temps. Les conseils de quartier permettent d’aborder des thèmes concrets : mobilité, espaces verts, sécurité, solidarité entre générations, équipements publics. C’est souvent dans ces instances que s’élaborent "l’esprit du vivre-ensemble".

Créer sa propre association à la retraite : mode d’emploi et conseils

Loin d’être spectateurs, les retraités sont aussi souvent à l’initiative de nouveaux projets citoyens. Il n’est pas rare de voir, dans les statuts fondateurs d’associations, le nom de personnes fraichement retraitées voulant répondre à un besoin non satisfait localement.

Créer une association en France, après la retraite ou non, est simple sur le plan légal :

  1. Avoir au moins 2 personnes (ou 7 si l’on veut la déclarer d’utilité publique)
  2. Rédiger des statuts et désigner un bureau
  3. Déclarer l’association en préfecture (possibilité de le faire entièrement en ligne via Service-public.fr)
  4. Publier la création au Journal Officiel

Certains dispositifs d’accompagnement existent spécialement pour les porteurs de projets seniors, comme ceux proposés par le Réseau National des Maisons des Associations ou Histoires de vies, ainsi que certaines bourses d’initiatives de retraités mises en place ponctuellement par les municipalités.

Quels dispositifs pour encourager la participation des retraités ?

Les pouvoirs publics et les associations multiplient les initiatives pour valoriser l’engagement après 60 ans :

  • Le programme “Monalisa” (Mobilisation Nationale contre l’Isolement des Âgés) : rassemble structures et bénévoles pour lutter contre l’isolement social des plus de 60 ans (monalisa-asso.fr).
  • Le service civique senior : expérimental dans certaines régions, il permet à des retraités de s’engager dans une mission citoyenne encadrée et indemnisée.
  • Le dispositif “JeVeuxAider.gouv.fr” : facilite le bénévolat occasionnel ou régulier, en tenant compte des profils et souhaits de chaque senior.
  • Comités de liaison locaux : intégration automatique de représentants seniors dans plusieurs villes, pour renforcer le dialogue intergénérationnel.

Certaines communes, à l’instar de Nantes ou Strasbourg, ont créé un Conseil des Aînés officiellement consulté sur les projets municipaux impactant les personnes âgées. De plus, plusieurs caisses de retraite (CARSAT, MSA…) proposent de financer des micro-projets initiés par leurs adhérents retraités.

Retraités et missions citoyennes : jurés, commissions et plus encore

La citoyenneté ne s’arrête pas à un âge donné. En France, toute personne de nationalité française âgée de plus de 23 ans peut être tirée au sort pour être juré d’assises, sans “date d’expiration”. Les retraités ne sont pas rares à siéger, leur disponibilité facilitant souvent la participation à ces audiences parfois longues.

Autre exemple : la participation à des commissions administratives (conseils d’administration d’hôpitaux, commissions d’usagers des transports, comités de locataires HLM…). Les collectivités sollicitent fréquemment l’avis des retraités, notamment pour garantir l’expérience utilisateur ou la défense des droits.

Structures de médiation et participation locale : portes d’entrée concrètes

Envie d’agir dans le dialogue et la résolution de conflits locaux ? Plusieurs structures ouvrent leurs portes aux seniors :

  • Médiateurs de la République : Chaque département dispose d’un ou plusieurs médiateurs pour aider à règler des litiges avec les administrations. Ces fonctions, souvent bénévoles, sont régulièrement exercées par des retraités.
  • Comités de quartier et conseils consultatifs : inscriptions en mairie, démarches simples.
  • Groupes de travail ponctuels : chaque année, des groupes sont formés pour des thèmes comme les mobilités, la politique de l’âge, les actions de santé locale.

Souvent, il suffit d’adresser sa candidature à la mairie ou sur le site de la collectivité. Nul besoin de diplômes particuliers, la motivation et la volonté d’agir pour le bien commun sont les qualités les plus appréciées.

Des avantages pour les bénévoles seniors ?

Dans la grande majorité des cas, le bénévolat n’ouvre pas droit à une rémunération ni à des droits sociaux supplémentaires. Mais des avantages non négligeables existent :

  • Réseau social étoffé, sentiment d’utilité et d’estime de soi
  • Formations gratuites, remises à niveau (notamment informatique ou secourisme dans les grandes fédérations associatives)
  • Frais remboursés (selon politique interne de l’association : déplacements, repas...)
  • Exception : le “Cesu Engagement citoyen“ (expérimental), qui vise à valoriser les heures de bénévolat par un crédit d’impôt ou des droits à la formation — actuellement à l’état de test dans certains territoires pilotes (Source : service-public.fr)

Les seniors, acteurs écoutés… mais quelle place dans le débat public ?

Faut-il s’inquiéter de la sous-représentation des plus âgés dans certains lieux de décision, ou constater au contraire leur place croissante dans la concertation ? L’enquête du Défenseur des droits (2022) révèle que 70% des personnes de plus de 60 ans interrogées estiment que leur avis est “insuffisamment pris en compte” dans les décisions locales. Pourtant, les exemples de consultations élargies et d’élus issus des rangs des retraités augmentent chaque année, notamment dans les villes rurales et moyennes.

La place des seniors dans le tissu associatif fut longtemps “naturelle” — invisible parce qu’évidente. Désormais, elle est l’objet d’une reconnaissance, voire d’une revendication. Parce que la société doit, pour avancer, conjuguer tous ses âges et capitaliser sur l’inestimable expérience de ses aînés. Qui d’autre pourrait mieux incarner nos mémoires vivantes… tout en restant, résolument, tourné vers l’avenir ?

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