Des acteurs engagés, loin des clichés

Longtemps, la question de l’environnement a été associée à la jeunesse : marches pour le climat, actions collectives et communication orientée vers les jeunes générations. Pourtant, il serait injuste — et inexact — de voir les seniors comme de simples observateurs de la transition écologique. Selon l’INSEE, la France compte aujourd’hui plus de 18 millions de personnes de 60 ans et plus, soit un quart de la population (INSEE, 2023). Ce groupe, riche d’expérience et de savoir-faire, assume, souvent discrètement, une part significative des transformations en cours.

Des modes de vie sobres, un héritage écologique naturel

Bien avant que les termes “d’écologie” ou “de transition énergétique” ne s’invitent dans le débat public, les générations précédentes vivaient déjà selon des principes dits “vertueux”. Les seniors ont connu l’économie de ressources par nécessité : gaspiller n’était ni une option, ni même imaginable. Réparer les objets, raccommoder les vêtements, conserver les aliments, cultiver un potager ou récupérer l’eau de pluie étaient monnaie courante.

  • 60% des plus de 65 ans déclarent préférer réparer plutôt que remplacer (Ademe, Baromètre 2021).
  • Plus d’un tiers pratique le jardinage, activité qui limite l’empreinte carbone alimentaire et connecte au rythme des saisons (Senioractu).
  • Les seniors font partie des plus faibles producteurs de déchets ménagers par personne, selon les dernières études de l’INSEE (2022).

Ce rapport parcimonieux aux ressources, redécouvert aujourd’hui sous une appellation moderne, s’avère précieux. Les gestes du quotidien, transmis de génération en génération — préparer ses confitures, faire son compost, limiter le chauffage inutile, privilégier les achats locaux — traduisent une écologie “de bon sens”, ni moralisatrice, ni spectaculaire.

Un volontariat écologique croissant

Au-delà de leurs pratiques domestiques, les seniors s’impliquent activement dans le tissu associatif et local. En France, plus de 36% des bénévoles associatifs sont âgés de plus de 60 ans (OpinionWay, 2022). Nombre d’associations de défense de la nature, d’AMAP, ou de collectifs citoyens sont animés par eux, qu'il s'agisse de clubs de randonnée qui nettoient les sentiers, ou de réseaux locaux de défense des rivières et des forêts.

  • Les jardins partagés : Les aînés transmettent aux jeunes générations leur savoir-faire horticole. Dans plus de 60% des jardins partagés urbains, une présence active des seniors est enregistrée (Jardinons à l'école).
  • Les Repair Cafés : 25% des bénévoles ont plus de 60 ans, apportant leurs compétences pour réparer appareils et outillages qui auraient fini à la décharge (Repair Café France).
  • Chefs de file des collectes locales : Du ramassage de déchets aux actions pour la biodiversité, de nombreuses brigades écologiques sont animées par ce public expérimenté, notamment dans les villages et les petites villes.

Consommation responsable, sobriété énergétique : un exemple à suivre

On prête aux seniors une certaine méfiance à l’endroit de l’innovation. Pourtant, ils affichent souvent une avance insoupçonnée en matière de modération énergétique ou de consommation réfléchie.

  • Selon le Ministère de l’Économie, les foyers seniors dépensent en moyenne 20% moins d’électricité par personne que les autres foyers, notamment en raison de leur vigilance vis-à-vis des appareils en veille et de leur gestion du chauffage.
  • La vente et l’achat d’objets de seconde main ne sont pas l’apanage des plateformes numériques récentes : les brocantes, trocs et boutiques solidaires sont essentiellement fréquentés par des seniors. Selon l’Ifop, 31% d’entre eux achètent principalement des biens d’occasion.
  • En 2022, 28% des ménages de plus de 60 ans consommaient majoritairement des produits locaux (FranceAgriMer), réduisant ainsi l’empreinte carbone liée aux transports alimentaires.

Des freins technologiques ? Une adaptation progressive

Certes, l’usage du numérique pour certains services “verts” (applications d’autopartage, information sur les déchets, domotique) peut représenter un obstacle pour une partie des seniors. Cependant, les récentes études montrent une montée en compétences rapide : en 2023, le taux d’équipement numérique des plus de 60 ans a dépassé 79% (Economie.gouv.fr).

  • Plus de 40% utilisent leur téléphone pour s’informer sur des sujets environnementaux.
  • Le recours aux comparateurs de fournisseurs d’énergie ou d’électricité verte progresse de façon continue dans cette tranche d’âge.

Des voix majeures dans la mobilisation citoyenne et politique

Moins exposés dans les médias, les seniors portent pourtant une parole rigoureuse et respectée sur les enjeux écologiques. Les mouvements de défense de la biodiversité, de protection des espaces naturels, ou d’opposition aux grands projets d’aménagement controversés comptent souvent dans leurs rangs de nombreux aînés.

Des figures nationales, tels que Nicolas Hulot, Daniel Cohn-Bendit ou Janine Benyus, sont eux-mêmes sexagénaires ou plus, preuve que la cause verte n’a ni âge ni frontières. Et localement, les conseils municipaux de nombreuses petites villes voient leurs rangs renforcés par la présence de seniors, porteurs d’une vigilance accrue : protection des arbres publics, débat sur les aménagements écologiques, préservation du patrimoine bâti — autant de combats où leur expérience fait la différence.

  • En 2020, 41% des élus municipaux avaient plus de 60 ans, selon l’AMF (Association des Maires de France), et restent largement impliqués dans les enjeux de transition écologique à l’échelle locale.
  • Des réseaux comme « Les Grands-Parents pour le Climat » ou « Générations Futures » donnent une visibilité à ces engagements avec des actions de plaidoyer auprès des décideurs publics. Leur mot d’ordre : “agir tant qu’il est temps, pour nos petits-enfants”.

Transmettre un patrimoine écologique aux générations futures

La transmission n’est pas qu’une affaire de gestes domestiques. Nombre de seniors racontent à leurs petits-enfants ce que signifiait “vivre avec peu”, partager la rareté, ne pas céder à la facilité du tout-jetable.

  • Les dispositifs d’éducation à l’environnement dans les écoles bénéficient souvent de témoignages de seniors venus expliquer les changements du paysage agricole et forestier sur leur commune.
  • Les échanges intergénérationnels autour de la récupération, du bricolage, du jardinage ou de la cuisine maison contribuent à créer à la fois des liens sociaux et à préserver des pratiques écologiques menacées d’oubli.

Plus largement, l’héritage politique des aînés passe aussi par la pression exercée sur les pouvoirs publics. Selon une enquête du Monde en partenariat avec Harris Interactive (2020), 67% des grands-parents souhaitent que la question climatique soit davantage prise en compte par les élus locaux, y compris dans les investissements majeurs.

Vers une “silver écologie” ?

À bien des égards, le regard sur le rôle des seniors dans la transition écologique mérite d’être renouvelé. L’Ademe propose d’ailleurs de réfléchir à une “silver écologie”, croisant adaptation au vieillissement de la société et enjeux environnementaux.

  • Mise en place de logements adaptés et énergétiquement sobres pour les aînés.
  • Mobilité moins carbonée : développement des réseaux piétonniers et cyclables adaptés à toutes les générations.
  • Co-construction de quartiers autonomes et résilients, intégrant les plus âgés dans la prise de décision locale.

La valorisation du potentiel senior — compétence, transmission, exigence — s’impose plus que jamais pour accélérer la transition écologique. Autrement dit, étudier la question écologique à l’aune du vieillissement, c’est façonner une société plus inclusive et plus consciente, où personne n’est laissé au bord du chemin.

Aller plus loin : ressources et initiatives à découvrir

La diversité des actions et des traditions portées par les seniors dessine une écologie vivante, pragmatique et inspirante, articulant transmission, sobriété et innovation. Pour la transition écologique, c’est là une force d’avenir à mieux reconnaître et soutenir.

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