Premier fait essentiel : la population vieillit. Selon l’INSEE, on comptait en France, début 2023, 20,5 millions de personnes âgées de 60 ans et plus, soit près d’un tiers de la population. D’ici 2030, ce sont 25% des Français qui auront plus de 65 ans (Source : INSEE « La France compte de plus en plus de seniors », 2023). Ce phénomène, loin d’être isolé, concerne d’ailleurs l’ensemble des sociétés européennes.
Cet allongement de la durée de vie s’accompagne d’une profonde transformation des trajectoires de vie et des attentes. On vit plus vieux, mais on vit aussi différemment : l’âge de la retraite tend à reculer, et les seniors d’aujourd’hui ont devant eux, pour la plupart, des années actives, autonomes et pleines de potentialités.
La question de l’habitat apparaît au premier plan des préoccupations. L’immense majorité des seniors souhaite vieillir à domicile. Selon la Fondation de France, 90% des plus de 75 ans expriment ce souhait. Mais comment l’organiser face à des logements parfois inadaptés et à la crainte de la solitude ?
Cette recherche de flexibilité va de pair avec une volonté affirmée : rester acteur de ses choix, garder la main sur son mode de vie et, dans la mesure du possible, sur ses relations sociales.
L’image selon laquelle les seniors seraient « déconnectés » relève de plus en plus du cliché. Certes, des disparités existent, mais le mouvement est net : la part des plus de 60 ans utilisant quotidiennement Internet progresse chaque année. Selon le Credoc (Baromètre numérique 2023), 81% des 60-69 ans et 59% des plus de 70 ans utilisent Internet régulièrement.
Les enjeux ? Rester en lien avec la famille et le monde, simplifier le quotidien (services en ligne, démarches administratives, banque), mais aussi éviter l’exclusion. Le revers de la médaille, c’est un risque réel de décrochage pour celles et ceux qui restent à distance : selon France Stratégie (2021), près de 20% des plus de 75 ans n’ont pas d’accès personnel à Internet.
De nombreuses initiatives (ateliers municipaux, associations comme Les Bons Clics ou Emmaüs Connect) accompagnent une transition numérique inclusive, avec des formats sur-mesure et un souci d’accessibilité réel.
L’évolution de la santé des seniors se joue aujourd’hui sur deux niveaux : celui des avancées médicales, mais aussi celui du « bien vieillir » et de la prévention.
Mais ces progrès suscitent aussi des interrogations éthiques et pratiques : comment garantir l'accès à tous, quel accompagnement pour ne pas perdre le contact humain ?
La retraite n’est plus un simple « arrêt », mais bien souvent une phase de redécouverte. Le bénévole senior devient un acteur-clé du monde associatif : en 2021, près de 40% des retraités étaient engagés dans une association (Recherches et Solidarités, 2022), et ils représentent plus de la moitié des bénévoles réguliers en France.
Les portraits médiatisés de seniors en reconversion, créateurs d’entreprise après 60 ans (Médiapart, 2022) ou influenceurs sur les réseaux sociaux, témoignent d’un vrai mouvement de fond : la mise en avant de modèles positifs, inspirants, et surtout multiples.
On voit émerger, depuis quelques années, une prise de parole plus affirmée : livres, podcasts, tribunes, associations de défense des droits des seniors, collectifs contre l’âgisme… Tous témoignent d’une volonté forte de ne plus se laisser définir de l’extérieur.
L’image du senior « économe et casanier » est dépassée. Les chiffres amènent à y voir un des moteurs-clés de la croissance actuelle.
De la même façon, leur poids dans les décisions d’achat (équipements, services, technologies) façonne de nouveaux produits et services : tourisme adapté, offres culturelles « slow », applications mobiles spécifiques…
Si la part grandissante des seniors ouvre d’immenses perspectives, elle pose aussi nombre de questions : financement des retraites, inégalités d’accès à l’autonomie et à la santé, baisse du pouvoir d’achat face à l’inflation, ruptures territoriales (les seniors ruraux restent souvent les moins bien desservis).
Mais ces enjeux structurent de nouvelles mobilisations citoyennes et une inventivité sociale. Nombre de territoires ruraux ou petites villes inventent des réseaux d’entraide, des « villages amis des aînés » (plus de 400 villes participent en France au programme OMS Age-Friendly depuis 2021).
Les grandes tendances qui touchent les seniors aujourd’hui sont autant de signaux forts pour l’ensemble de la société française. Elles dessinent une palette d’expériences, de solutions et de défis qui nous concernent toutes et tous, au fil des générations et des territoires. Le vieillissement n’est plus forcément synonyme de retrait, mais peut se penser comme une phase féconde, ouverte sur autrui et sur la société. L’enjeu collectif ? Dépasser les clivages, valoriser la pluralité des parcours, inventer ensemble les manières d’être « silver » aujourd’hui et demain.